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Une “Nuclear Posture Review” qui confirme la stratégie d’affrontement avec la Chine et la Russie

Les Etats-Unis ont publié le 2 février 2018 un nouvel examen de la posture nucléaire (Nuclear Posture Review – NPR), huit ans après le dernier examen commandé par Barack Obama, daté du 6 avril 2010.

Ce document d’une centaine de pages, demandé par Donald Trump dès le 27 janvier 2017, rappelle que les Etats-Unis ont été les précurseurs dans le domaine de la réduction des armements nucléaires, marqué par la signature en 1991 du traité portant sur la réduction des armements stratégiques (Strategic Arms Reduction Treaty START), renouvelé en 2010 (New START) et limitant à 700 vecteurs et à 1 550 ogives le nombre d’armes nucléaires stratégiques déployées par les Etats-Unis et la Russie[1].

Dès la préface signée par le Secretary of Defense, ce nouvel examen dénonce la Russie, accusée d’avoir conservée un grand nombre d’armes nucléaires tactiques et de moderniser sa triade nucléaire stratégique, et la Chine, accusée quant à elle de vouloir concurrencer la supériorité militaire américaine « traditionnelle » dans le Pacifique Ouest. Le document justifie ce retour de la compétition entre les grandes puissances en évoquant pêle-mêle la violation par la Russie du traité sur l’élimination des forces nucléaires à portée intermédiaire (traité FNI) ou le rejet par la Chine de l’arrêt de la cour permanente d’arbitrage de la Haye sur le conflit l’opposant à la République des Philippines.

Evoquant également les provocations nord-coréennes, les ambitions iraniennes et la menace terroriste, l’examen de la posture nucléaire milite pour une stratégie de dissuasion nucléaire flexible, permettant au Président des Etats-Unis de disposer d’une réponse adaptée aux circonstances[2], quitte à reprendre l’héritage de la Guerre froide. Se justifiant par la nouvelle doctrine russe supposée cautionner l’usage limité d’armes nucléaires à faible charge, l’examen de la posture nucléaire annonce le développement de nouvelles capacités nucléaires non-stratégiques : charges militaires à effet limité montées sur les missiles embarqués sur sous-marins, nouveau missile de croisière lancé depuis la mer, chasseur multi-rôles F-35…

L’administration américaine s’oppose de plus en plus ouvertement aux deux autres puissances mondiales que sont la Chine et, dans une moindre mesure, la Russie. Durant son intervention devant l’université du Texas, le 1er février 2018, le Secretary of State a qualifié ces deux pays de « prédateurs » pouvant mettre en danger la souveraineté des nations du continent américain, plus particulièrement de l’Amérique latine. La Chine, premier partenaire commercial du Chili, de l’Argentine, du Brésil et du Pérou, a en particulier été visée, Rex Tillerson dénonçant ses pratiques qualifiées de déloyales. La Russie à quant à elle été accusée de fournir des équipements militaires à des régimes « inamicaux ». Moscou a répondu le 5 février à cette intervention, regrettant que la doctrine Monroe, vieille de près de 200 ans, soit toujours en vigueur et veuille garantir le « pré carré » des Etats-Unis sur le continent américain. Moscou avait également répondu le 3 février à la publication de la NPR, réfutant l’ensemble des accusations portées contre la Russie. Pékin s’est également prononcé officiellement, que ce soit à propos de la NPR, demandant aux Etats-Unis d’abandonner leur mentalité de « guerre froide », et en réaction à l’intervention de Rex Tillerson, dénonçant une vision en totale contradiction avec la réalité et une absence de respect vis-à-vis des pays d’Amérique latine.

VA(2S) Alain Christienne, directeur de la stratégie de l’Institut FMES

Nuclear Posture Review 2018 (en anglais) =>

[1] https://www.un.org/press/fr/2018/sgsm18883

[2] La triade nucléaire américaine est composée de quatorze sous- marins de la classe Ohio, de 400 missiles Minuteman III, de 46 bombardiers B-52H et de vingt bombardiers furtifs B-2A. La modernisation de cette triade est entamée, avec le lancement prévu d’au moins douze sous-marins de la classe Columbia, le remplacement des Minuteman III à l’horizon 2029 et le développement du bombardier stratégique B-21 Raider.

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