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Lancement du « Dialogue stratégique » entre les Etats-Unis et le Qatar.

Les Etats-Unis et l’émirat du Qatar ont officialisé le 30 janvier 2018 le lancement d’un « Dialogue stratégique » marqué par une réunion coprésidée du côté outre-Atlantique par le Secrétaire d’Etat Rex Tillerson et le Secrétaire à la Défense James Mattis. Les discussions ont porté sur de nombreux domaines, dont la défense et la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme.

D’une superficie de 11 600 km², le Qatar abrite une population de 2 300 000 habitants dont près de 90% de ressortissants étrangers. Gouverné par la famille al-Thani depuis le milieu des années 1800, le Qatar est connu pour ses réserves de gaz naturel mais aussi pour sa chaine d’information internationale al-Jazeera et l’attribution de la Coupe du monde 2022. Le soutien que le Qatar a apporté aux révolutions du printemps arabe de 2011 et le rapprochement avec l’Iran et la Turquie se sont traduits par une rupture des liens diplomatiques et économiques avec les principaux pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG)[1].

Sans jamais citer l’Arabie saoudite, le communiqué commun publié à l’issue de la réunion du 30 janvier appelle justement à une résolution immédiate de cette crise au sein du CCG et au respect de la souveraineté du Qatar. Rex Tillerson avait lors de la conférence de presse organisée en amont de la réunion souligné l’impact négatif de celle-ci, regrettant la rhétorique utilisée dans les médias et les réseaux sociaux. Le même jour, en écho à cette requête, les quatre pays impliqués (Arabie saoudite, Emirats arabes unis et Egypte) ont au contraire publié un communiqué dénonçant un rapport du Haut-commissariat aux droits de l’homme portant sur les conséquences humanitaires du blocus et confirmant le soutien supposé du Qatar au terrorisme.

Les discussions du 30 janvier ont également porté sur les conflits mettant en danger la stabilité régionale (Syrie, Irak, Libye, Afghanistan), mais ni le conflit au Yémen ni l’Iran ne sont nommés. Rex Tillerson avait pourtant annoncé que le rôle de l’Iran et son « influence néfaste » seraient au menu des discussions. La Turquie fait également partie des grands absents de ces échanges « stratégiques », alors que le départ des forces armées turques stationnées au Qatar est une des exigences préalables à la levée du blocus.

11 000 membres des forces armées américaines sont présents au Qatar au travers des états-majors avancés du Central Command et de sa composante aérienne ainsi que du Combined Air Operations Center, d’où sont dirigées toutes les opérations aériennes au-dessus des territoires syrien et irakien. A l’horizon 2040, selon le ministre de la défense qatarien, la base aérienne d’al-Udeid deviendra une base de stationnement permanente des Etats-Unis, disposant de toutes les facilités d’hébergement et de formation.

Outre les 100 Mds $ d’investissements dans l’économie américaine, le Qatar a signé 24,7 Mds $ de contrats d’armement avec les Etats-Unis. Le dernier contrat porte sur le soutien au programme d’acquisition de chasseurs multirôle F-15 QA pour un montant de 1,1 Mds $. Le 4 mai 2015, le Qatar avait déjà signé avec la France un contrat portant sur l’acquisition de 24 avions de combat Rafale. Le Qatar suit également une politique de rapprochement avec l’OTAN, qui s’est traduit par la signature le 16 janvier 2018 d’un accord de sécurité autorisant l’échanges d’informations classifiées.

VA(2S) Alain Christienne, directeur de la stratégie de l’Institut FMES

Déclaration commune à l’issue de la réunion du 30 janvier 2018 (en anglais) =>

[1] Cf. article du 8 septembre 2017

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