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Jérusalem, capitale d’Israël : la victoire du “de facto” sur le “de jure”

Le Président des Etats-Unis a reconnu le 6 décembre 2017 Jérusalem, « antique capitale du peuple juif », en tant que capitale de l’Etat d’Israël et a ordonné le transfert de l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, recevant en retour de multiples protestations et mises en garde.

Le Président des Etats-Unis s’est appuyé dans sa « démonstration » sur le constat pragmatique que les institutions israéliennes étaient de facto situées à Jérusalem, que ce soit le parlement (la Knesset), la cour suprême ou la résidence du Président et du Premier ministre. Il a également rappelé que cette décision n’était que la mise en œuvre de la loi sur la reconnaissance de Jérusalem (Jerusalem Embassy Act of 1995) du 8 novembre 1995 par laquelle le Sénat et la Chambre des représentants décidaient que Jérusalem devait être reconnue comme la capitale de l’Etat d’Israël et que l’ambassade des Etats-Unis devait y être établie avant le 31 mai 1999. Cette loi avait été voté dans un contexte particulier, quelques mois après la signature des accords d’Oslo présageant un aboutissement des négociations israélo-palestiniennes mais quatre seulement après l’assassinat d’Yitzhak Rabin par un militant israélien d’extrême droite.

Conscient des réactions violentes que sa décision peut entraîner[1], Donal Trump a insisté sur le caractère universel de Jérusalem, un endroit ou les Juifs prient au Mur des lamentations, où les Chrétiens parcourent le chemin de croix et qui est dominé par la mosquée al-Aqsa, lieu de culte sacré des Musulmans. Il a également confirmé la volonté des Etats-Unis de faciliter un accord de paix et une solution à deux Etats, « pour autant qu’elle soit acceptée par les deux parties ».

Dans sa résolution n°181 relative au gouvernement futur de la Palestine, alors administrée par le Royaume-Uni, « puissance mandataire », l’Assemblée générale avait décidée le partage de la Palestine entre deux Etats indépendants, l’un arabe, l’autre juif, la ville de Jérusalem bénéficiant d’un régime international particulier. Cette résolution reste le fondement du droit international, réaffirmé régulièrement au travers de résolutions du Conseil de sécurité[2][3], et explique l’unanimité des réactions défavorables à la décision américaine.

Sans évoquer directement la décision américaine, le Secrétaire général des Nations-Unies s’est élevé « contre toute mesure unilatérale qui pourrait compromettre les perspectives de paix des Israéliens et des Palestiniens ». Le Président français a quant à lui « rappelé que la question du statut de Jérusalem devra être réglée dans le cadre des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens, visant en particulier l’établissement de deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côte en paix et en sécurité avec Jérusalem pour capitale. »

Au titre d’hôte du prochain sommet de l’Organisation de la coopération islamique, le président turc Recep Erdoğan, moins diplomate, a demandé aux Etats-Unis de revenir sur leur décision susceptible de déclencher le « chaos » dans la région, dénonçant une décision contraire aux résolutions des Nations Unies et au statut millénaire d’al-Qods (Jérusalem). Le roi d’Arabie saoudite, gardien des lieux saints, avait lui-même mis en garde Donald Trump contre toute décision unilatérale, « qui nuirait au processus de paix et augmenterait les tensions dans la région ».

La seule réaction favorable provient de Jérusalem, d’où Benjamin Netanyahu a remercié Donal Trump, rappelant que Jérusalem est depuis 3 000 ans la capitale du peuple juif, et invitant toutes les nations recherchant la paix à reconnaître Jérusalem comme capitale de l’Etat d’Israël et à y transférer leur ambassade.

VA(2S) Alain Christienne, directeur de la stratégie de l’Institut FMES

La déclaration de Donald Trump (en anglais et en arabe) =>

[1] Une protection renforcée des ressortissants américains a été mise en place dans les « régions concernées ».

[2] Résolution 252 du 21 mai 1968 : « le Conseil de sécurité […] considère que toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël […] qui tendent à modifier le statut juridique de Jérusalem sont non valides et ne peuvent modifier ce statut » (adoptée par 13 voix pour, les Etats-Unis et le Canada s’étant abstenus).

[3] Résolution 476 du 30 juin 1980 : « le Conseil de sécurité […] confirme à nouveau que toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël […] en vue de modifier caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem n’ont aucune validité en droit » (adoptée par 14 voix pour, les Etats-Unis s’étant abstenus).

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