La visite inédite en Russie de Salman bin Abdelaziz al-Saoud, fidèle allié de Washington, illustre la montée du multilatéralisme appelé de ses vœux par le président français Emmanuel Macron à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies. Elle marque un rapprochement inattendu entre les deux plus grands producteurs de pétrole brut de la planète.
A l’occasion du déplacement du dirigeant saoudien, des investissements de plus de deux milliards de dollars ont été confirmés dans de nombreux domaines, dont le secteur de l’énergie, y compris nucléaire et celui de l’exploration spatiale. Adel al-Jubeir, ministre des affaires étrangères saoudien, a confirmé que, tout en maintenant une relation privilégiée avec les États-Unis, l’Arabie saoudite souhaite améliorer ses liens avec la Russie parce que « nous pensons que si nous avons de bonnes relations avec la Russie et de bonnes relations avec les Etats-Unis et de bonnes relations avec la Chine, c’est très bon pour nous et très bon pour la région et très bon pour le monde ».
Répondant à l’objectif du Royaume d’internaliser plus de 50 % de son industrie de défense, un des nombreux contrats signés porte sur la production sous licence de fusils mitrailleurs AK103 Kalashnikov et des munitions associées. Mais parmi les nombreux accords signés, l’acquisition de systèmes de défense aérienne S-400 Triumph aura sans doute été un des plus surprenants, alors que l’agence américaine de défense et de coopération (Defense Security Cooperation Agency) annonçait le 6 octobre un projet d’acquisition par l’Arabie saoudite de quarante-quatre lanceurs THAAD (« Terminal High Altitude Area Defense ») pour un montant estimé de 15 milliards de dollars. Le système russe équipe déjà l’Iran et sera bientôt déployé au sein des forces armées turques.
Concernant la Syrie, le dirigeant saoudien a apporté son soutien aux négociations menées selon le format dit d’Astana sous l’égide de la Russie, de l’Iran et de la Turquie. Vladimir Poutine s’est quant à lui félicité de la volonté de l’Arabie saoudite d’unir l’opposition syrienne en vue des négociations attendues avec le gouvernement syrien.
Coïncidence des calendriers (?), un forum baptisé « Russian Energy Week » s’est déroulé du 3 au 7 octobre à Moscou et Saint-Pétersbourg, en présence de Mohammed Sanusi Barkindou, secrétaire général de l’OPEC. Il a donné l’occasion à Vladimir Poutine d’annoncer que la part des énergies propres en Russie approchera des 90 % vers 2035. Le président russe a profité de cette tribune pour dénoncer les sanctions imposées contre son pays, tout en se félicitant des conséquences bénéfiques pour le développement des liens économiques avec les pays du Moyen-Orient.
VA(2S) Alain Christienne, directeur de la stratégie de l’Institut FMES
Séance d’ouverture des discussions russo-saoudiennes ⇒
Compte-rendu de la session plénière du « Russian Energy Week » ⇒