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La France et la Turquie, des relations vieilles de cinq cents ans

A l’occasion de la visite officielle du président turc Recep Erdoğan, le Président français, tout en notant les « désaccords sur la vision […] des libertés individuelles », a mis en avant la bonne santé de la coopération bilatérale. Recep Erdoğan a quant à lui rappelé que cette coopération est vieille de 500 ans[1], que 700 000 Turcs vivent en France et que les échanges commerciaux pourraient atteindre vingt milliards d’euros.

Si Emmanuel Macron a souligné l’exemplarité de cette coopération dans le champ de la lutte contre le terrorisme, citant les actions que la France mène sur son sol contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Karkerên Kurdistan – PKK), le Président turc a insisté sur les liens existants entre le PKK et le Parti de l’Union Démocratique (Partiya Yekîtiya Demokrat – PYD) et sa branche armée des Unités de Protection du Peuple (Yekîneyên Parastina Gel – YPG), fer de lance des Forces démocratiques syriennes, bras armé de la Coalition dans sa lutte contre l’Etat islamique en Irak et au Levant en Syrie. En retour, Emmanuel Macron a dénoncé les processus d’Astana et de Sotchi, qui « ne construiront pas […] la paix parce qu’ils sont biaisés sur le plan politique ».

Sur le Proche-Orient, Emmanuel Macron a confirmé la convergence de vue entre la France et la Turquie, rappelant sa volonté « d’œuvrer pour une paix qui ne peut se construire qu’entre Israéliens et Palestiniens sur la base de la reconnaissance de deux États vivant en paix, ayant l’un et l’autre Jérusalem pour capitale ». Recep Erdoğan avait convoqué sur ce sujet le 13 décembre 2017 une session extraordinaire de l’’Organisation de la Conférence islamique, qui avait appelé « à l’internationalisation de la protection de la paix, à l’imposition de restrictions politiques et économiques en réponse à la décision américaine ».

A propos de la relation avec l’Union européenne, Emmanuel Macron a souhaité « sortir de l’hypocrisie »[2]. Recep Erdoğan a rappelé que la Turquie frappait à la porte de l’Union européenne depuis 54 ans et que cette attente vaine pourrait conduire la Turquie à « prendre des décisions ». La Turquie avait pourtant obtenu le statut de pays candidat à la suite de la réunion du Conseil européen tenue à Helsinki en décembre 1999, la réunion des 16 et 17 décembre 2004 du même Conseil décidant que « la Turquie remplissait suffisamment les critères pour que soient ouvertes des négociations d’adhésion ».

La visite de Recep Erdoğan a été l’occasion pour la Turquie de parapher l’accord portant sur un projet de défense antimissile porté par le consortium franco-italien Eurosam. Ce consortium développe entre autres la famille de missiles Aster 15 et 30 équipant les deux frégates de défense aérienne de la Marine nationale et les frégates européennes multi missions françaises et italiennes. Il équipe également les escadrons de défense sol-air de l’armée de l’air en systèmes sol-air moyenne portée terrestre (SAMP/T). Emmanuel Macron a également rappelé dans ce cadre des relations commerciales stratégiques « l’importance du projet de centrale nucléaire de Sinop, en partenariat avec le Japon ». Ce projet vient en « concurrence » de celui de la centrale d’Akkuyu, confié à la société russe ROSATOM.

Déclaration du Président de la république sur le site de l’Elysée =>

Compte-rendu de la conférence de presse sur le site de la Présidence turque (en anglais) =>

[1] Le traité d’alliance entre François Ier et Soliman le Magnifique a été conclu en février 1536.

[2] « il est clair que les évolutions récentes et les choix ne permettent aucune avancée du processus engagé »

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