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- Date de création 29 mars 2018
- Dernière mise à jour 1 octobre 2018
Rapport d'information n°757 déposé par la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale
"Le 13 décembre dernier, la 11ème conférence ministérielle de l’OMC s’est achevée sur un constat d’échec. Certes, personne parmi les 164 membres de l’organisation n’espérait qu’il serait mis un terme, seize ans après son lancement, au cycle de Doha. Pourtant, le fait qu’ils aient collectivement échoué à s’entendre sur l’interdiction des subventions à la pêche illégale – l’objectif somme toute très modeste de la conférence – a montré si besoin en était que les négociations commerciales multilatérales sont totalement bloquées.
Le commerce international représente aujourd’hui des montants considérables. Selon les derniers chiffres disponibles de l’OMC pour l’année 2016, les seules exportations de marchandises se sont élevées à 15 460 milliards de dollars. Les exportations de services, quant à elles, sont plus difficiles à mesurer - car ne faisant pas l’objet d’un passage en douane – mais sont estimées à 4 800 milliards de dollars. Ce commerce est très concentré puisque cinq pays (Chine, États-Unis, Allemagne, Japon et France) représentent à eux seuls 38 % des exportations mondiales de marchandises, la Chine étant quant à elle le premier exportateur mondial (11,8 %).
C’est dire que le commerce international est essentiel à ces pays comme, d’ailleurs, aux autres et en particulier aux pays en voie de développement. C’est en effet de l’ouverture des économies et de leur insertion réussie dans les échanges mondiaux que découlent, pour une large part, la croissance, l’emploi et, in fine, le développement économique.
Toutefois, comme toute activité économique, le commerce international doit être régulé, sauf à voir les États les plus puissants écraser les plus faibles et les conflits commerciaux dégénérer en guerre ouverte, comme ce fut malheureusement souvent le cas au cours des siècles passés. S’agissant d’une activité internationale par nature, la régulation ne peut, très logiquement, être que multilatérale et c’est justement à cette fin que l’OMC, prenant la suite du GATT, a été créée en 1995.
Or, depuis maintenant plus de vingt ans, l’OMC s’est avérée incapable d’achever le cycle de Doha et, sauf rares exceptions, de moderniser les règles commerciales issues des Accords de Marrakech (1995). Cette incapacité se révèle d’autant plus dommageable que le commerce international a profondément évolué dans sa forme, avec notamment le développement d’Internet et du commerce des services, mais également dans ses enjeux – avec la prise en compte du développement durable – et ses acteurs, les pays développés devant désormais composer avec les exigences des pays en voie de développement et des ONG.
Expliquant largement l’incapacité de l’OMC à conclure le cycle de Doha, ces évolutions ont également motivé les principales puissances commerciales à réorienter leur politique commerciale vers la signature d’accords de libre-échange bilatéraux. Outre qu’il est évidemment bien plus facile de négocier à deux qu’à 164, ces derniers permettent également à l’Union européenne, notamment, de faire avancer au niveau international des sujets, à commencer par le développement durable, que l’OMC ne pourrait jamais traiter compte tenu des oppositions idéologiques et des divergences d’intérêts entre ses membres.
Faut-il en déduire que l’avenir est au bilatéralisme (et, le cas échéant, au plurilatéralisme) et que le multilatéralisme commercial est mort et, par voie de conséquence, son principal instrument – l’OMC – inutile ?
Vos rapporteurs ne le pensent pas. L’ensemble des auditions qu’ils ont menées les ont au contraire confortés dans leur conviction que l’OMC reste indispensable au commerce international et qu’elle ne vit pas tant une crise terminale qu’une transition douloureuse vers une nouvelle forme de régulation. En effet, le commerce international a plus que jamais besoin de règles communes légitimes qui ne peuvent être établies qu’au niveau multilatéral, de même que d’un système de règlement des différends efficace. La crise ouverte par le président américain Donald Trump le 1er mars dernier, lorsqu’il a annoncé vouloir imposer unilatéralement des droits de douane aux importations d’acier et d’aluminium, montre que le risque de guerre commerciale est toujours présent et la régulation multilatérale plus que jamais nécessaire.
Toutefois, pour irremplaçable qu’elle soit, l’OMC doit s’adapter aux nouvelles réalités du commerce international et retrouver un rôle central dans la régulation de celui-ci. Le présent rapport définit donc une urgence - sauver le mécanisme de règlement des différends menacé par les États-Unis – et cinq priorités d’action qui, si elles sont mises en œuvre, notamment par le leadership de l’Union européenne, sont de nature à relancer le multilatéralisme commercial sans lequel le bilatéralisme (et le plurilatéralisme) sont largement privés de portée."