Chaque grande période de l’histoire des Armées est organisée autour de « l’arme maîtresse », celle qui, selon John Fuller, théoricien britannique des chars, « fixe le rythme tactique, et autour de laquelle se regroupent toutes les autres ». Pendant une cinquantaine d’années, le char a ainsi déterminé le rythme tactique du combat terrestre, par sa rapidité. De nos jours, « l’arme maîtresse » est le Commandement et la Maîtrise de l’information - en anglais, C4ISR - Command, Control, Communications, Computers, Intelligence, Surveillance and Reconnaissance.
C’est une conséquence directe de la transformation numérique qui s’opère à l’échelle mondiale et à laquelle les Armées n’ont pas échappé en intégrant les technologies de l’information et de la communication dans leurs pratiques. La transformation numérique renforce la place, déjà essentielle, de l’information dans la conduite des opérations, et l’importance de sa maîtrise pour assurer la supériorité militaire. Elle a ainsi un fort impact sur l’organisation des Armées et donc sur la fonction de commandement, en facilitant l’accès à de larges volumes d’informations et en renforçant les capacités d’adaptation et de réactivité du commandement, dont la mission principale s’articule autour d’une fonction de décision. S’ajoutent également des fonctions d’organisation, de relais vertical et horizontal et de stimulation, sur lesquelles la transformation numérique agit.
La maîtrise de l’information contribue directement à la supériorité des forces et occupe une place centrale dans l’interopérabilité avec les forces alliées et l’optimisation du système de défense par une mise en réseau des acteurs. L’intégration et la généralisation d’outils numérisés dans les systèmes militaires conduisent notamment au raccourcissement de la boucle décisionnelle, à l’accélération de la diffusion de l’information et à l’accumulation de larges volumes de données. Il est donc crucial d’envisager les changements impliqués - notamment dans l’exercice du commandement - et d’en comprendre les effets.
Dans cette perspective, c’est moins dans l’organisation fonctionnelle des États-Majors que dans la capacité d’initiative des subordonnés et dans la capacité du commandement à s’adapter aux évolutions que les changements induits par le numérique se font – et se feront de plus en plus - sentir. Il est dès lors indispensable d’anticiper et de maîtriser les impacts de la numérisation croissante des Armées, notamment sur le commandement, en particulier par la formation et l’entrainement du personnel aux outils numériques et aux réalités techniques changeantes.