- Version
- Télécharger 30
- Taille du fichier 551.34 KB
- Nombre de fichiers 1
- Date de création 4 novembre 2017
- Dernière mise à jour 4 novembre 2017
La revue stratégique de défense et de sécurité nationale d’octobre 2017 a permis une analyse réaliste et exhaustive de la situation internationale. Elle a mis en évidence qu’aujourd’hui la France est plus menacée, plus exposée dans un environnement stratégique incertain et instable. Dans un monde multipolaire, en perpétuelle mutation, nos forces sont engagées dans des crises sans cesse plus dures face à des adversaires toujours mieux armés.
La revue stratégique a clairement défini les axes majeurs que notre pays doit poursuivre et qui justifient la nécessaire remontée en puissance de nos armées :
- consolider notre autonomie stratégique ;
- conserver un modèle d’armée complet et équilibré dans la durée ;
- porter une ambition européenne forte ;
- entretenir et faire prospérer notre industrie de défense.
Dans ce contexte la marine nationale doit faire face à quelques enjeux spécifiques. La mondialisation de nos intérêts nationaux est sans précédent. L’économie mondiale est devenue totalement dépendante des espaces maritimes (90 % des échanges commerciaux en volume transitent par la mer, 95 % des communications intercontinentales passent par des câbles sous-marins).
La République française possède des frontières terrestres et/ou maritimes avec 35 pays différents, ce qui en fait l’État ayant le plus grand nombre de frontières au monde. Et si la France partage 4 082 km de frontières terrestres avec 11 pays voisins, ses frontières maritimes peuvent être estimées à plus de 19 000 km, dont seulement 5 800 km de côtes métropolitaines. La souveraineté de la France s’étend aujourd’hui sur une zone économique exclusive de 11 millions de km2. Cet espace maritime, le second au monde, attise les convoitises en raison de ses ressources halieutiques et énergétiques (hydrocarbures) et de son potentiel en ressources minérales (nodules polymétalliques).
Aujourd’hui, notre sécurité maritime repose sur la « Posture Permanente de Sécurité Maritime », l’Action de l’État en mer et les dispositifs de défense maritime du territoire, qui sont à la fois complexes et polyvalents (sémaphores, patrouilleurs, radars côtiers, données satellitaires, etc.) et dont la mise en œuvre est assurée à titre principal par la marine dans toutes ses composantes (préfets maritimes, bâtiments et aéronefs, gendarmerie maritime, etc.). Mais, par-delà cette posture de sécurité, nous devons faire face à des menaces multipolaires et de toutes natures (pêches illégales et destructrices, trafics de drogue, déni d’accès, terrorisme).
L’évolution du contexte mondial est donc profondément anxiogène. Les enjeux de puissance apparaissent en tout point du globe et notamment dans les espaces maritimes.
Les capacités de projection de puissance de la mer vers la terre se développent selon trois axes : air sol (portes avions, missiles de croisière, artillerie longue portée), sous-marin et amphibie (débarquement de troupes). Un nombre croissant de pays dispose déjà de tels outils ou envisage de s’en doter (Russie, Chine, Brésil, Royaume-Uni, Australie, Japon). De nouvelles marines régionales émergent : Égypte, Émirats arabes unis, Pakistan, Malaisie, Indonésie qui souhaitent affirmer leur souveraineté en mer. Les zones maritimes sensibles se multiplient : détroit d’Ormuz, détroit de Bab-el-Mandeb, golfe de Guinée, canal du Mozambique, mer de Chine, océan Pacifique, etc. La Méditerranée est de plus en plus une mare nostrum partagée où la présence chinoise se fait de plus en plus sentir.
Nous avons connu pendant les quinze dernières années une baisse régulière des moyens (effectifs, équipements, maintenance) consacrés à la marine. Ils n’ont pas été à la hauteur de l’importance des missions qui lui sont confiées et de la dimension navale de notre pays (effectifs, équipements, vieillissement). Dans ce contexte un constat lucide peut être dressé sur l’état de notre marine nationale. L’ensemble des bâtiments et des effectifs sont en sur-activité bien au-delà du contrat opérationnel qui leur avait été fixé. La vétusté inquiétante de nombreux navires (âge et état d’usure) met en danger les équipages, menace les missions et augmente les coûts de maintenance. Des insuffisances capacitaires évidentes ont pour conséquence un sous-dimensionnement des capacités opérationnelles menaçant sécurité, protection, et limitant les possibilités d’interventions stratégiques. Notre ZEE et nos territoires ultramarins connaissent un déficit de présence et de protection préoccupant.
L’arrêt technique majeur du porte-avions Charles de Gaulle, qui s’achève dans quelques semaines, représente une indisponibilité de près de deux ans et se traduit donc par une limitation forte de notre capacité stratégique et diplomatique. L’opérabilité est à améliorer : la présence des bâtiments à la mer n’est que de 110 jours. L’exposition aux risques naturels peut nécessiter l’intervention de la marine. Ainsi, le cyclone Irma en mobilisant deux frégates pour l’assistance aux îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, a momentanément détourné ces deux bâtiments de leur lutte contre les narcotrafics.
Nous conservons également des modes de gestion budgétaire annualisés, des modes de contractualisation contraignants pour nos industries – souvent contrat unique – au forfait – sans distinguer prototype et production de série. Ces pratiques sont souvent dangereuses pour nos entreprises, car elles augmentent les coûts de structure et les risques, fragilisant ainsi leur capacité d’investissement et d’innovation et les plaçant en position difficile dans la concurrence internationale.
Dans ce contexte fort difficile de réduction des effectifs, de vieillissement des matériels, de limitation de moyens d’intervention, la marine nationale a su tenir son rang malgré tout, en assurant un engagement total au service des missions qui lui ont été confiées. Ses participations à de nombreuses missions internationales ont été unanimement saluées par nos alliés, notamment américains (l’US Navy). Ses interventions quotidiennes pour la protection de notre territoire et de nos citoyens méritent l’admiration de tous.
Ainsi, le budget de la marine dans le projet de loi de finance pour 2018 est un budget emblématique et charnière car pour l’ensemble des programmes (146, 178 et 212) :
- il s’inscrit dans la continuité des exercices précédents, dans la trajectoire de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 et de son actualisation de 2015. Cela explique les principaux programmes de commande et de livraisons de matériels pour 2018 (hélicoptères, avions Rafale, FREMM, missiles, patrouilleurs, sous-marin, etc.) ;
- il est le premier budget d’une forte régénération et d’une forte remontée en puissance de nos armées. Cet effort se traduit essentiellement par une augmentation significative des crédits de paiement réservés au maintien en condition opérationnelle – MCO (+ 512 millions d’euros en autorisations d’engagement soit + 34 %, et + 237 millions d’euros en crédits de paiement soit + 15 %) ;
- le budget 2018 amorce la nécessaire remontée en puissance mise en évidence par la revue stratégique de défense et de sécurité nationale.
Cette remontée en puissance devra trouver toute son expression et sa plénitude dans la loi de programmation militaire 2019-2024.