
Ouverture du colloque par Maître Pierre-Olivier SUR, Bâtonnier de Paris et par l’amiral Bernard ROGEL, chef d’état-major de la marine.
Ouverture du colloque par Maître Pierre-Olivier SUR, Bâtonnier de Paris et par l’amiral Bernard ROGEL, chef d’état-major de la marine.
Organisé conjointement par le Barreau de Paris et par la Marine nationale, ce colloque avait pour objet principal de faire connaître aux avocats les enjeux du monde maritime et la diversité des champs d’actions de la Marine Nationale et de les sensibiliser à des domaines d’activités parfois peu connus dans lesquels des questions juridiques complexes nécessitent l’intervention d’avocats.
Après un mot d’accueil du Bâtonnier de Paris, Monsieur Pierre-Olivier SUR, l’amiral Bernard ROGEL, chef d’état-major de la marine, a présenté le contexte des enjeux maritimes de ce début de XXIème siècle à travers cinq ruptures stratégiques :
- L’importance des flux maritimes liés à la mondialisation. 90% du commerce international emprunte la mer. A cet égard, la préservation de la liberté de la navigation est indispensable pour l’économie française ;
- La tendance observée à la « territorialisation » des mers par des revendications des états-côtiers à des espaces maritimes placés sous leur souveraineté ou leur juridiction. Le comportement de la Chine en Mer de Chine méridionale en constitue un exemple marquant avec des prétentions larges sur les îles Paracels et Spratley ;
- Le réchauffement climatique. Il laisse entrevoir l’ouverture de nouvelles routes maritimes, notamment en Arctique. Il provoque également le déplacement des populations pauvres vers le littoral avec deux conséquences graves, le développement de la piraterie (Somalie, golfe de Guinée, Asie du Sud-Est) et l’immigration clandestine par voie maritime (Méditerranée, Asie du Sud-Est, Océan Indien) ;
- L’évolution des technologies qui rendent les navires de guerre et de commerce, ainsi que les installations portuaires, vulnérable aux cyberattaques ;
- La judiciarisation accrue de l’action des représentants de l’Etat en mer, au premier rang desquels les équipages des navires de la Marine Nationale qui interviennent pour faire respecter le droit international et protéger les intérêts de la France et de ses ressortissants.
En conclusion, l’amiral ROGEL a souligné le mouvement de redistribution des puissances maritimes. Si les Etats-Unis et la Russie (en pleins modernisation) sont à la tête des flottes de combat, la Chine fait un effort considérable pour se donner les moyens de ses ambitions maritimes, de même que l’Inde, le Japon et le Brésil. Pendant ce temps, l’Europe reste loin derrière.
Le colloque était articulé en trois tables rondes.
Table ronde n°1 : la mer source de richesses
Pour illustrer la maritimisation de l’économie, M. Frédéric MONCANY, président du Cluster maritime français, a rappelé que 90% des échanges économique empruntent la mer pour un chiffre d’affaires de 1500 milliards de $. Au niveau national, les activités maritimes représentent 69 Millions d’€ (hors tourisme) et 300.000 emplois. Il a rappelé les défis du monde maritime pour les prochaines années : les richesses des grands fonds, les plates-formes maritimes multi-usages, la nouvelle gouvernance des océans, l’acceptabilité sociale et environnementale des activités maritimes, l’insécurité en mer.
Nouveau président d’Armateurs de France, M. Gildas MAIRE a souligné la nécessité d’avoir une flotte de commerce compétitive. A cet égard, les mesures préconisées par le député Arnaud LEROY tardent à se mettre en place.
Maître Hélène GELAS, juriste auprès de France Energie Eolienne (FEE) a donné un éclairage sur les débuts d’un secteur d’activité maritime nouveau, du moins en France, avec un contexte juridique complexe, parfois peu adapté et assurément en devenir. Les parcs éoliens, tant plantés que flottants, doivent trouver leur place parmi les autres activités en mer.
Enfin, Maître Guillaume BRAJEUX, avocat au barreau de Paris, cabinet Holman-Fenwick-Willan, a rappelé la spécificité des juristes maritimistes et les nombreuses interactions entre le droit et le monde maritime : arbitrages, contrats, droits des sociétés, droit international. Il a souligné les bonnes relations nouées avec les préfectures maritimes pour la gestion des accidents maritimes.
Cette table ronde était animée par M. Philippe METZGER, économiste maritime.
Table ronde n°2 : la mer source de conflits
Il s’agissait d’évoquer le jeu des états en mer et la lutte entre acteurs économiques. En premier lieu, M. Olivier GUYONVARCH, sous-directeur du droit de la mer, du droit fluvial et des pôles au ministères des affaires étrangères et du développement international, a présenté la Convention des Nations-Unies pour le droit de la mer de 1982, véritable « constitution des océans » et ses évolutions récentes, notamment dans le domaine de la « gestion » de la haute-mer. Pour illustrer les conflits liés à la délimitation des espaces maritimes, il a rappelé les prétentions importantes de la Chine en mer de Chine méridionale, au détriment des autres états riverains.
Sous-chef d’état-major Opérations à l’état-major de la marine, le vice-amiral Anne CULERRE a présenté successivement les enjeux et risques de conflits dans les différents théâtres maritimes : Pacifique, Océan Indien, Atlantique, Méditerranée. Elle a rappelé que les missions de la marine s’inscrivent dans le cadre international du droit de la mer et dans le cadre national du Livre Blanc pour la défense et de la loi de programmation militaire (LPM) pour les crédits.
Le vice-amiral d’escadre Emmanuel CARLIER, préfet maritime de ma manche-Mer du Nord a exposé son action dans la prévention et la résolution des conflits entre les différents professionnels de la mer. Les projets d’implantation de parcs éoliens en sont une intéressante illustration avec la prise en considérations de conditions nouvelles de travail en mer et leurs conséquences.
Enfin, le professeur Philippe DELBECQUE, Paris I Panthéon-Sorbonne, a rappelé les différentes formes de groupements d’armateurs pour faire face à la concurrence ou aux évolutions du trafic maritime commercial : sociétés d’armateurs, conférences maritimes, consortiums ou alliances entre armateurs.
Cette table ronde était animée par Maître Frédéric FONTAINE, avocat au barreau de Paris.
Table ronde n°3 : la mer source de risques
Face aux risques de conflits et au développement d’activités illicites en mer, des besoins de contrôle et de sécurité sont en croissance constante. Parmi les nouvelles menaces en mer, le vice-amiral Arnaud COUSTILLIERE, officier général de la Cyberdéfense, a souligné la place du numérique dans le dialogue stratégique et la propagande et la vulnérabilité nouvelle des navires modernes de guerre et de commerce, sans oublier les installations portuaires, face aux cybers attaques. Il a rappelé le développement d’un « droit cybernétique » susceptible de retenir l’attention des avocats.
Le bâtonnier Jean-Yves LEBORGNE, avocat au barreau de Paris, cabinet Leborgne et associés, a appelé l’attention des participants sur les limites et les risques de mesures législatives pour lutter contre l’insécurité maritime. Il s’est appuyé en cela sur l’exemple actuel du projet de loi discuté au parlement.
Pour illustrer les atteintes à la sécurité en mer et les moyens pour y faire face, le commissaire-commandant Cyrille ATONFACK, de l’état-major de la marine camerounaise, a présenté le dispositif de lutte contre la piraterie et le brigandage dans le golfe de Guinée développé par les états riverains et la place du Cameroun dans cette démarche originale.
Enfin, Maître Martin PRADEL, avocat au barreau de Paris, a évoqué les situations humaines particulières des Somaliens arrêtés lors d’opérations de police en mer conduites par les forces maritimes françaises et leurs suites judiciaires et carcérales.
Cette table ronde était animée par Maître Benoît LE GOAZIOU, avocat au barreau de Paris.
Conclusion
En résumé, un colloque intéressant et riche d’informations sur les réalités actuelles du monde maritime et leurs conséquences juridiques. De par sa connaissance du milieu, ses capacités de surveillance, de prévention et d’intervention, ainsi que par les habilitations juridiques conférées à ses commandants de navires et d’aéronefs, la Marine Nationale y joue un rôle déterminant et original qui devait être porté à la connaissance des avocats.