Décrypter pour comprendre

28ème SMHES – « L’occasion de se faire ses derniers copains d’enfance »

La 28ème session méditerranéenne des hautes études s’est achevée par un dernier séminaire organisé sur Toulon du 14 au 16 juin 2018.

Le 14 juin, les auditeurs ont été accueillis par monsieur Thierry Legras, ancien auditeur, pour une découverte du groupe CNIM, équipementier et ensemblier industriel français de dimension internationale. Fondé en 1856 sous l’appellation de Forges et chantiers de la Méditerranée (FCM) et rebaptisé en 1966, CNIM intervient dans l’environnement, l’énergie, la défense et les hautes technologies.

Après une présentation de l’histoire du groupe et du large spectre de ses activités, les auditeurs ont bénéficié d’une visite des installations réparties sur les deux sites de Brégaillon et de Lagoubran. Au fil des hangars, ils ont ainsi appris, pour leur grande majorité, que CNIM, acteur majeur de la dissuasion, participe à la construction du Laser Megajoule et fournit les nouveaux tubes lance-missiles des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. La présence de ponts flottants motorisés en cours de rénovation a également rappelé la contribution de CNIM à l’équipement des forces terrestres, une tradition qui remonte à la première guerre mondiale, où les FCM s’étaient vus confié la construction d’un prototype de char lourd de 41 tonnes.

Détenant une compétence reconnue dans la construction des chaudières équipant les navires lancés par les chantiers de La Seyne-sur-Mer, CNIM s’est naturellement orienté vers la mise au point d’incinérateurs. Le groupe a déjà construit 167 centres de valorisation des déchets au profit d’une centaine de millions d’habitants. Le groupe a également racheté la société Bertin Technologies en 2008.

Retrouvant l’amphithéâtre de la Maison du numérique et de l’innovation, les auditeurs y ont écouté monsieur Jean-Charles Antoine, président-fondateur du cabinet de conseil et de formation en géopolitique Arkaliz. Illustrant ses propos par une étude détaillée de la Libye et de la Syrie, cet ancien officier de gendarmerie et docteur en géopolitique a présenté sa démarche d’accompagnement des hauts dirigeants privés candidats à l’exportation, à l’expatriation ou à l’investissement à l’étranger. Du brillant exposé, les auditeurs retiendront en particulier qu’aucun pays ni territoire ne ressemble à un autre et que seule une analyse patiente de la géographie, de l’histoire et des acteurs permet de réussir une implantation sur un théâtre de crise et d’en tirer tous les bénéfices liés aux marchés de reconstruction et de développement qui s’y ouvrent.

La matinée du 15 juin a été consacrée au dernier arsenal du ministère des armées. Le capitaine de vaisseau Olivier Stosskopf, commandant l’atelier industriel de l’aéronautique (AIA) de Cuers-Pierrefeu, a présenté en ces termes ce pôle d’excellence en maintenance industrielle des matériels aéronautiques des forces armées. Le service industriel de l’aéronautique (SIAé), dont dépendent les cinq ateliers répartis sur le territoire national, relève du chef d’état-major de l’armée de l’air. Alors que les arsenaux terrestres et navals ont donné naissance à Nexter et à Naval Group, le SIAé conserve au sein de l’Etat des compétences rares qui permettent de soutenir des matériels souvent produits en faible nombre et que le constructeur ne veut plus ou ne peut plus entretenir, souvent pour des raisons de coût. L’exemple de la réparation, en moins d’un mois, de la cellule d’un des trois Hawkeye de la force de l’aéronautique navale victime de l’éclatement d’un pneu, sans intervention du personnel de Northrop Grumman, a démontré cette compétence essentielle.

Les auditeurs ont bénéficié d’une présentation complète d’une activité propre à l’AIA de Cuers-Pierrefeu : la conception, la fabrication et la réparation de radômes et structures en matériaux composites. Cette activité qui remonte à la mise au point des Mirage IV et à la nécessité d’une indépendance stratégique, bénéficie aux aéronefs des forces armées mais aussi à l’aéronautique civile, comme le prouvait la présence dans les ateliers de caisses et de gabarits marqués A380 ou A320. En 2017, outre la livraison de quinze aéronefs totalement révisés, l’AIA de Cuers-Pierrefeu a fabriqué 35 radomes et en a réparé 68, victimes de chocs aviaires ou de ravitaillements en vol mouvementés.

La journée s’est conclue à l’hôtel de la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée (TPM) où les auditeurs ont été reçus par monsieur Boris Bernabeu, directeur général adjoint des services, chargé du développement économique du territoire, de l’enseignement supérieur, du tourisme et du patrimoine. Créée le 1er janvier 2018 à la demande des douze maires des communes concernées, TPM a succédé à la communauté d’agglomération éponyme. Naturellement tournée vers la mer, quatorzième métropole française riche de 437 460 habitants, TPM s’est hissée au premier rang des ports à destination de la Corse, est le deuxième port français en termes de passagers et le troisième port de France métropolitaine en matière de croisières.

Insistant sur les grands chantiers lancés depuis plusieurs années en matière de culture, d’enseignement supérieur ou de développement des centres urbains de la Métropole, Monsieur Boris Bernabeu a détaillé le grand projet d’aménagement « de Mayol à Pipady ». Un concours international sera lancé pour redessiner cet espace articulé autour des 36 000 m2 situés sur l’ancien site DCNS de l’arsenal du Mourillon et cédés à la Métropole. Répondant par avance aux inquiétudes exprimées durant la réunion par des auditeurs toulonnais soumis aux rejets des ferrys et des bâtiments de croisière, Hubert Falco, président de la TPM, a affirmé dès l’annonce du projet que « les nouveaux aménagements devront plus encore qu’auparavant être respectueux de l’environnement en proposant des dispositifs maîtrisant la qualité de l’eau et de l’air en particulier ».

Enfin, le 16 juin au matin, après que les auditeurs aient rendu compte de leurs travaux sur le thème « la crise : le jour d’après » et que le professeur Jean-Jacques Roche, directeur de la formation, des études et de la recherche de l’Institut des hautes études de la défense nationale, ait donné l’aval de l’IHEDN, le vice-amiral (2S) Benoît Le Masne de Chermont, président de l’Institut FMES, a procédé à la remise des diplômes. La cérémonie a été suivie par l’intervention de monsieur Mustapha Benchenane, politologue à la Faculté de Droit de l’Université René Descartes Paris V, conférencier au Collège de l’Otan et à l’Institut National des Hautes Études de la Sécurité et de la Justice, qui a dressé devant les auditeurs, de nombreux adhérents et plusieurs personnalités locales, un constat peu rassurant de l’état du Moyen-Orient, démontrant que cette région du monde ne pourra connaitre de stabilité avant plusieurs années sinon plusieurs décennies.

Malicieusement, le professeur Jean-Jacques Roche a souligné avant la remise des diplômes que l’autre objectif des sessions nationales « Politique de défense », « Armement et économie de défense », « Enjeux et stratégies maritimes » et « Souveraineté numérique et cybersécurité », comme celui des sessions méditerranéennes, était la recherche d’une « fertilisation croisée ». Les auditeurs ont ainsi eu la chance, à quarante ou quarante-cinq ans, de se faire leurs « derniers copains d’enfance ».

VA(2S) Alain Christienne, directeur du Centre méditerranéne des études stratégiques.

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